L’IA COMME LA LANGUE D’ESOPE

Elle est déjà partout à l’œuvre même si les entreprises, en dehors des plus grandes, commencent seulement à s’y mettre.

On voit déjà les progrès spectaculaires qu’elle permet. En médecine avec des diagnostics plus fiables. A l’usine pour gérer la détection, l’analyse et la réaction . Dans de nombreux métiers pour l’automatisation des tâches répétitives en déléguant des flux entiers à des assistants spécialisés. Dans la rédaction et la création de contenus, la traduction automatique, le service-client automatisé, la recherche et l’analyse de données complexes. Les progrès sont quotidien comme la relecture accélérée des images de vidéosurveillance ou la lutte contre le cyber harcèlement qui vient d’être primée à Viva Tech.

Écartons l’hypothèse pour l’instant de l’extinction de l’humanité, évoquée par le grand physicien Stephane Hawking, si l’IA dépasse un jour l’intelligence humaine pour fonctionner en autonomie. Pour l’heure elle ne pense pas, elle simule. Elle n’a ni empathie, ni émotions. Si j’avais commandé cette tribune à ChatGBT vous ne liriez que des données peut être plus nombreuses mais sans discernement ni justement humanité.

Pour certains, comme mes amis Luc Ferry et Laurent Alexandre il faut y aller sans réserve. Ce dernier a développé son plaidoyer dans le JDD. L’IA dissout le monopole humain sur la stratégie, la médecine, la pédagogie, l’éducation, la justice, la défense. Elle est un sujet de puissance et même de survie géopolitique face aux grandes puissances. Laurent Alexandre considère que ceux qui se présentent à la magistrature suprême alors qu’ils ne comprennent rien à l’IA trahissent la nation. A ses yeux, l’essentiel du débat présidentiel de 2027 doit porter sur l’IA.

Même excessif il n’a peut-être pas tort sur le fait que la plupart des décideurs notamment politiques ne mesure pas encore que la révolution est en marche, qu’elle n’est plus seulement technologique mais anthropologique et que déjà, comme le souligne Michel Lévy Provencal, on n’innove plus, on restructure. Amazon a supprimé 27000 emplois en déployant 1000 agents IA. Un grand remplacement au moins sur ce plan est possible. Bill Gates considère que les seuls métiers épargnés seront charpentier, ébéniste, plombier et les métiers de bouche. Ajoutons quand même ceux du bien être, de la santé mentale et du corps ainsi que les agents physiques de sécurité.

C’est le premier et capital défi. Pour Lévy Provencal, nous devons massivement former les salariés à l’IA pour éviter d’être remplacés lorsque quelques décideurs suffiront à contrôler des légions d’agents numériques. Il fait prudemment remarquer qu’à ce moment là, le plus important dans le changement ne sera pas ce que l’on peut techniquement changer mais ce que l’on souhaite humainement transformer. Dans le cas contraire, le travail humain devenu marginal entraînera une révolte des salariés disqualifiés.

Bien d’autres défis nous attendent. La consommation colossale d’énergie entraînée par l’IA même si elle permet aussi de surveiller et réduire les émissions de CO2. La protection des données et les droits d’auteur. La multiplication des fake News et des vidéos truquées. L’ampleur des attaques cyber. Et ce que les spécialistes appellent des hallucinations si le modèle s’appuie sur des données idéologiques et non sur les faits, ce qui est l’honneur du journalisme. On vient de connaître cela avec une série de messages générés sur X par GROK, l’assistant IA du réseau avec du complotisme, du racisme, de l’antisémitisme, des insultes à l’encontre de pays. Elon Musk a promis les corrections nécessaires, lui qui professait à l’origine que l’IA était aussi un démon.

Voilà le panorama. L’Europe se dote d’un règlement destiné à réguler les pratiques les plus risquées tout en favorisant l’innovation et en encourageant les entreprises. Est-il possible de développer les seules technologies fiables ? Pas sur en Europe et certainement pas dans le monde. Même s’il va trop loin Laurent Alexandre nous rappellerait qu’à brider l’IA nous prendrions le risque du déclin face à des géants nationaux ou industriels aussi forts que des états et qui ne s’embarrassent pas de sentiments et de valeurs. On voit bien que l’IA est comme la langue d’Esope, à la fois le pire et le meilleur.

Les optimistes savent que le pire n’est jamais sur, que les obstacles sont faits pour être contournés en augmentant la motivation. À condition de développer à fond les bonnes pratiques, de nous éduquer à la maîtrise des technologies, de limiter les dérives. Vaste tâche, aurait dit le général de Gaulle.


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